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    LE DEUXIEME SOUFFLE


    2 NOVEMBRE 1966

     

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    Gustave Minda, dit Gu, s'évade de prison. Au même moment, un règlement de comptes liquide Jacques, avec qui s'était « mise » Manouche, l'amie de coeur de Gu, sans que sa fidélité intérieure en ait souffert. Le commissaire Blot se met sur l'affaire. Les frères Ricci, Jo et Paul, l'un à Paris, l'autre à Marseille, semblent impliqués. Gu arrive juste à temps pour tirer Manouche des griffes des hommes de Jo, qu'il liquide selon une manière qui ne trompe pas le commissaire Blot. Obligé de se « planquer », Gu ronge son frein, puis se replie sur Marseille où Manouche lui a préparé une villégiature. Juste à ce moment, Paul Ricci prépare l'attaque d'un fourgon de la banque, coup pour lequel il a besoin d'un associé. Pressenti, un nommé Orloff se récuse, mais lui indique Gu, qui a besoin de se refaire, et à qui l'honneur interdit de vivre aux crochets de Manouche. Le coup réussit. Tantôt à Marseille, tantôt à Paris, Blot suit calmement la piste, arrête Gu en feignant un règlement de comptes monté de toutes pièces. Gu tombe dans le piège ; voulant se justifier, ses paroles, enregistrées à son insu par la police, semblent trahir Paul. Mais Gu tient à laver son honneur : il s'évade à nouveau et aura le temps de liquider Jo, qui avait « doublé » tout le monde, avant d'être lui-même abattu par la police.

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    Cela fait trois ans que Jean-Pierre MELVILLE n'a pas tourné depuis le relatif échec commercial du pourtant très estimable "L'aîné des Ferchaux". Il a vogué de projets en projets et a failli réaliser "Week end à Zuydcoote" qu'il a refusé au dernier moment car il n'était pas d'accord sur le fond du film ayant été lui même témoin des évènements qui se sont déroulés à Dunkerque durant la seconde guerre mondiale. Finalement son choix se porte sur l'adaptation libre d'un roman de José GIOVANNI qui est à l'époque la référence du roman noir à la française. Toujours très modeste, Jean-Pierre MELVILLA dira qu'il a largement arrangé, voire amélioré,  le roman initial de GIOVANNI, ce qui fait toujours plaisir à l'auteur. Il entreprend le tournage du film en grande partie dans son propre studio, le studio Jenner, situé dans le 13ème arrondissement parisien.

    Etant donné que son film est un hommage appuyé au cinéma policier français des années 50, on retrouve au casting des figures notoires de ce cinéma: Lino VENTURA bien sûr, Raymond PELLEGRIN, grande vedette des années 50, plus connu aujourd'hui pour avoir doublé Jean MARAIS dans la série des "Fantômas "et Marcel BOZZUFFI qui fut un bon second rôles dans de nombreuses séries B. Michel CONSTANTIN retrouve Lino pour la troisième fois de suite après "Les grandes gueules" et "Ne nous fâchons pas", il fait partie du cercle des amis de José GIOVANNI. Pierre ZIMMER complète un casting de mauvais garçons des plus impressionnants.

    Du coté des "poulagas" nous retrouvons un Paul MEURISSE des grands jours. Bien loin des comédies où il excelle à l'instar des "Monocle" ou du récent "Quand passent les faisans" il interprète un flic réaliste et froid, non dénué d'humour. Paul FRANKEUR, qui a tourné dans  tous les films policiers avec Jean GABIN interprète un flic "à l'ancienne", aux méthodes rudes.

    "Manouche" est interprétée par Christine FABREGA une belle femme qui donne au personnage du standing. C'est son premier grand rôle au cinéma où elle se fera rare...les téléspectateurs la connaissent pour avoir été la première présentatrice des "Chiffres et des lettres" et elle a travaillé comme animatrice aux "jeux de 20 heures" jusqu'à son décès survenu trop tôt en 1988. 

    Jean-Pierre MELVILLE livre un film dense (2h40)qui représente la quintessence des films noirs français des années 50 tels du "Rififi chez les hommes" ou "Touchez pas au grisbi", tout en ajoutant sa touche esthétique et ses codes vestimentaires bien connus: imperméables cintrés, Ray-ban et autres chapeaux. Le tout réalisé au cordeau dans un sublime noir et blanc. Il faudra toute l'attention du spectateur pour saisir toutes les ramifications entre les différents personnages du film. Toute cette matière riche peut parfois susciter l'ennui pour peu que l'attention s'échappe...

    Le film commence par  l'évasion de "Gu" d'une centrale. La scène totalement dépourvue de dialogues, montre Gu qui a bien failli tomber dans le vide à l'instar d'un de ses compagnons d'évasion, monter dans un train de marchandise et se rendre vers Paris. "Gu" c'est un gangster à l'ancienne, l'ex "ennemi numéro 1", un tueur chevronné, mais qui est considéré par son âge et le temps qu'il a passé en prison comme un "has been" par la nouvelle génération de gangsters. Il possède cependant un inamovible code de l'honneur, chose un peu passée de mode également. "Gu" va rejoindre son ancienne maîtresse, "Manouche" qui tient un club chic sur les Champs-Elysées avec son mari. Elle est secondée par "Alban" un truand qui lui sert de garde du corps.

    Justement le club est attaqué par une bande de truand de seconde zone. Au cours de la fusillade, le mari de Manouche est tué. Alban prend les choses en main et livre ses consignes avant l'arrivée de la Police.

    C'est l'inspecteur Blot joué par un Paul MEURISSE des grands jours qui s'occupe de l'affaire. Redoutablement intelligent et vif, il a parfaitement assimilé les codes du milieu et c'est d'un redoutable cynisme qu'il conduit l'enquête. Il ne cache pas qu'elle ne débouchera sur rien, ce qui l'amuse d'un certain coté. Il est un peu détaché des histoires de truands. On découvre qu'il possède une certaine affection pour le milieu, et qu'il sait très bien se mouvoir dans ce panier de crabes.

    Manouche rentre chez elle escortée par Alban. Elle se fait agresser chez elle par deux gangsters de seconde zone qui viennent la faire chanter. Manque de chance pour eux, ils sont désarmés par "Gu" qui passait retrouver Manouche. Il retrouve ainsi Alban son fidèle ami, un homme sûr jusqu'au bout des ongles. Manouche est émue par "Gu", elle l'aime depuis toujours. D'un sang froid glacial, "Gu" élimine les deux malfrats dans une voiture conduite par Alban. Ils abandonnent le véhicule sans véritablement le cacher. Pour Blot cet assassinat est signé "Du" et il devine qu'il va chercher à se venger du commanditaire du racket qui est Joe Ricci, un patron de  club  plus ou moins recommandable.  Blot qui connait bien Joe l'avertit qu'il est très mal barré avec un tueur comme "Gu" dans son secteur. Joe panique un peu...

    Manouche et Alan cachent "Gu" qui ronge son frein. Elle organise son départ vers la Corse. Pour l'occasion "Gu" se laisse pousser la moustache, ce qui ne sied pas vraiment à Lino VENTURA soyons honnêtes... Grand seigneur à l'ancienne, il prépare un dîner aux chandelles dans sa cache et retrouve Manouche et ils redeviennent amants. Il a bien l'intention d'abattre "Joe" avant de partir. caché dans la voiture d'Alban, il renonce au dernier moment, alerté par une sorte de sixième sens. Il fait bien car Blot surveillait le club de Joe.

    En parallèle, Paul, le frère de Joe, organise un casse risqué. Il va voler une cargaison de platine  à l'aide de deux complices méfiants. Il a besoin d'un quatrième homme pour éliminer les motards de la police qui escortent la cargaison. Il fait appel à "Orloff" un truand froid, déterminé et dangereux au regard d'aigle. Très occupé, il demande un délai de réflexion. Rencontrant Gu dont il est un ami, il lui propose l'affaire, celui-ci accepte. Orloff le propose à Paul qui est d'accord, car "Gu" c'est une pointure. Mais ses complices sont très sceptiques.

    MELVILLE nous offre un casse très bien filmé. Comme à son habitude le sens des détails est important. Peu de dialogues durant le casse. C'est une scène spectaculaire qui voit les motards de la police froidement abattus par "Gu" et ses complices. Le réalisateur profite également des paysages pour réaliser des scènes très réussies esthétiquement.

    Paul et Gu se félicitent mutuellement et et celui-ci l'informe qu'il abandonne son intention de descendre Joe.

    Comme souvent chez MELVILLE, le flic est prêt à tout pour coincer les malfrats, y compris franchir parfois la "ligne blanche" et utiliser des méthodes très discutables. Un thème récurrent que nous retrouverons dans "Le cercle rouge" par exemple. Reconnu dans la rue lors d'une partie de pétanque, "Gu" est roulé par Blot. Croyant avoir affaire à des truands qu'il connait, Gu se fait enregistrer par Blot, ce qui est contraire au code d'honneur. Blot compte bien faire tomber la réputation de "Gu" qu'il va faire passer pour une "balance". Paul est arrêté. Blot passe le dossier à Fardiano, un flic qu'il déteste. Fardiano interprété par un Paul FRANKEUR franchement antipathique, veut venger la mort des deux motards. Ses interrogatoires sont plus que musclés. Paul et Gu sont passés durement à tabac, mais "Gu" ne lâche rien. Mieux, il s'évade de l'hôpital où il est soigné et retrouve Manouche et Orloff.

    Elle désire que "Gu" se rende en Italie, mais celui-ci veut se venger de Fardiano. Il l'attend dans sa voiture. Sous la menace, Fardiano écrit des aveux, qui "innocentent" Gu.  Gu ligote Fardiano dans la voiture et lui avoue être l'auteur du casse. Il l'abat froidement selon sa méthode habituelle.

    Joe convoque Orloff. Lors d'un entretien tendu, il lui demande de tuer "Gu". Orloff s'en sort de justesse. Il part retrouver "Gu" et Manouche. Celui-ci lui donne la preuve qu'il n'a pas donné Joe. Orloff lui explique qu'il va plaider sa cause et qu'il va retrouver les autres. "Gu" sait que jamais Orloff ne reviendra vivant. Il l'assomme et se rend au rendez-vous, rasé, en imperméable cintré, sous sa vraie apparence. Ce sera lui contre les autres. Il abat les trois truands au cours d'un massacre où il ressort blessé à la jambe. Blot arrive sur les lieux. "Gu" livre un baroud d'honneur et meurt sous le feu de la police. Il parvient à donner à Blot son carnet où se trouve la confession de Fardiano et meurt non sans avoir prononcé dans un dernier souffle le nom de Manouche. Blot tente de réconforter celle-ci qui s'était rendue sur les lieux. Puis, laisse tomber le carnet aux pieds des journalistes.

    MELVILLE livre la quintessence du film noir à la française, véritable anthologie d'un genre qui fit fureur entre 1950 et 1965. Ce film va constituer la base de ses films suivants (hormis "L'armée des ombres) lesquels seront plus ou moins inspirés de celui-ci. Bon nombre de ses tics esthétiques, visuels seront repris dans "Le samouraï" dont le personnage de DELON emprunte beaucoup à ORLOFF. Les méthodes de BLOT seront reprises par BOURVIL dans "Le cercle rouge". Le casse a inspiré celui d""Un Flic", etc... MELVILLE va se nourrir de son propre mythe. Bien sûr d'autres thèmes tels le "code d'honneur" ou la trahison seront repris dans ces derniers films . Il nous gratifie en outre de superbes plans de Paris et de sa banlieue parisienne, méthode qu'il réutilisera dans "Le samouraï" un an après. Personnellement je trouve que "Le second souffle" est le meilleur film de MELVILLE et que l'auteur a bien éprouvé du mal à se renouveler par la suite, ce qui n'enlève rien à la grande qualité de ses films suivants.

    Du coté du casting, rien à redire sur la qualité des acteurs, tous s'en sortent avec les honneurs. Lino VENTURA en a terminé avec les comédies à la LAUTNER. Le film est une rupture où il démontre de réelles qualités d'acteur. Il abordera désormais des registres plus dramatiques ou des films d'aventures. Il retrouvera Paul MEURISSE et Jean-Pierre MELVILLE dans "L'armée des ombres". C'est une belle année 1966 pour lui. Paul MEURISSE prouve qu'il est un grand acteur, comme à ses débuts. Christine FABREGA campe la femme de gangster classe, amoureuse. Une belle prestation bien servie par sa voix suave. On la retrouvera l'année suivante dans "Les risques du métier" au coté de jacques BREL. Michel CONSTANTIN va tourner de plus en plus se hissant petit à petit en haut de l'affiche. Quand à Raymond PELLEGRIN c'est un de ses derniers grands rôles, il retrouvera ensuite les polars de séries B.

    Le film récolte globalement de bonnes critiques, certaines élogieuses, d'autres soulignent les longueurs du film. Le film prend logiquement un beau départ lors de sa sortie parisienne où il se classe second du classement durant quatre semaines barré par "Paris brûle-t-il", grand succès du moment. Il parviendra cependant à prendre la première place lorsque celui-ci s'essoufflera.

    Le film obtient un très beau succès avec au total près de deux millions de spectateurs en France. Ce succès remet Jean-Pierre MELVILLE en selle et il va très rapidement se remettre au travail et  bénéficier de l'apport d'Alain DELON au faîte de sa popularité avec "Le samouraï".  

    Un remake pompeux du film sera réalisé en 2007 par Alain CORNEAU et connaîtra un bide admirable à sa sortie. N'est pas MELVILLE qui veut. 

     

    CATEGORIE RANG NOMBRE
    ENTREES FRANCE   1 912 749
    ENTREES PARIS   647 857
         
    1ère semaine 2 42694 (6 salles)
    2ème semaine 2 56 336
    3ème semaine 2 47 465
    4ème semaine 2 40 439
    5ème semaine 1 40122
    6ème semaine 3 33 201
    7ème semaine 5 28 554
    8ème semaine 10 30 286
    9ème semaine 8 34 000
    10ème semaine 6 20 087
    Moyenne salles Paris 1ère sem   7116
    Box office annuel Espagne   177 575
    Cote du succès   * * *

     

     

     

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